Le cyclisme est l’un de ses rares sports qui fait nouer aux athlètes des liens aussi étroits et surtout indispensables avec le personnel toute échelle comprise. C’est en sortant quelques peu des sentiers battus que nous avons choisi de nous intéresser à un soigneur d’équipe cycliste qui est le couteau suisse de ce dispositif bien huilé. Il s’agit de Carly Patten qui nous expose des détails exclusifs dans les prochains paragraphes .
Cycling Times : Bonjour Carly ! Tout d’abord, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Carly Patten : Je m’appelle Carly Patten, je suis préparatrice physique originaire de Pretoria en Afrique du Sud. Je suis actuellement basée au Royaume-Uni et je travaille en tant que soigneuse en Europe ainsi qu’au Royaume-Uni pour plusieurs équipes cyclistes.
CT : Quelles études as-tu effectuées pour devenir préparatrice physique ? Est-ce un cursus médical classique/traditionnel ?
CP : J’ai commencé par étudier pour être spécialiste de la force et du conditionnement puis j’ai suivi des cours de base sur les massages sportifs. J’ai tellement aimé que j’ai commencé à étudier le sport et la thérapie réparatrice et je me suis ensuite spécialisée dans les blessures sportives et la rééducation. Donc non ce ne sont pas vraiment des cours de médecine.
CT : Y a-t-il un aspect de ton travail que le grand public ne soupçonne pas ?
CP : Absolument ! Je pense que beaucoup de gens voient les soigneurs comme les masseurs des équipes et comme quelqu’un qui distribue les bouteilles dans les zones de ravitaillement mais c’est bien plus que ça. La plupart des équipes professionnelles auront un soigneur pour deux coureurs en raison de la quantité de travail qui doit être effectué chaque jour de course.
CT : En quoi consiste ton travail ?
CP : Le travail du soigneur c’est principalement de prendre soin du coureur mais ça ne se limite pas à ça. Nous préparons les bidons pour les courses ainsi que la nourriture pour les ravitaillements, nous faisons les massages avant et après les différentes compétitions, nous sommes aussi sur les lignes de départ et d’arrivée, nous donnons les musettes dans les zones de ravitaillement, nous gérons aussi la blanchisserie, les repas du personnel ainsi que les petits déjeuners supplémentaires ou spéciaux pour les coureurs quand il n’y a pas de chef cuisinier. Parfois nous préparons les repas si nous ne sommes pas logés dans un hôtel, nous gérons aussi l’enregistrement et l’organisation des chambres à l’hôtel, nous nous chargeons des bagages, de faire les courses ainsi que le plein des voitures, de les laver à l’intérieur et l’extérieur et de préparer chaque jour les voitures qui suivent la course. Toutes les petites choses qui doivent être faites sont souvent effectuées par les soigneurs.
CT : Quelles sont les qualités requises pour être soigneur ?
CP : Il y a tellement de qualités requises pour être un bon soigneur ! Je pense qu’avoir l’esprit d’équipe, être indépendant, savoir résoudre les problèmes, travailler dur et être dévoué, passionné et attentionné tout en étant capable de rester positif et de gérer le stress sans aucun doute des qualités indispensables pour être un bon soigneur. On ne compte pas nos heures et les journées peuvent être très exigeantes, donc ça doit vraiment vous tenir à cœur pour faire carrière et être heureux de faire ce travail.
CT : Quelle est la chose que tu aimes le plus dans ton travail ? Et travailles-tu uniquement dans le cyclisme ?
CP : C’est difficile de dire ce que j’aime le plus dans mon travail mais je dirais que c’est probablement le fait que l’on est une équipe. Travailler à l’unisson, avec le même objectif en tête et jouer un rôle dans l’atteinte de celui-ci est vraiment quelque chose de très spécial et ça donne le sentiment d’être une famille.
Et pour répondre à la deuxième partie de la question, oui c’est la première année que je travaille uniquement dans le cyclisme.
CT : Tu sembles intervenir dans plusieurs disciplines. Comment gères-tu ton planning ?
CP : Oui ! Je travaille en freelance pour différentes équipes dans différentes disciplines cyclistes, ce que j’apprécie vraiment. Parfois c’est très compliqué à gérer, j’ai souvent des évènements qui se suivent donc quand je rentre de l’un d’eux je dois reprendre l’avion directement dans la même journée en direction de la prochaine compétition. Certaines équipes m’ont donné leurs dates pour les événements au début de l’année, que je bloque ensuite dans mon agenda mais il y a aussi des épreuves avec d’autres équipes qui s’ajoutent au dernier moment. J’ai également la chance d’avoir aussi été recommandée pour d’autres épreuves, de cette façon je peux enchaîner beaucoup de courses et de tours tout au long de l’année.
CT : Penses-tu que les soigneurs aident les coureurs à récupérer beaucoup plus d’auparavant ?
CP : J’en suis convaincue à 100 %. Je pense que nous avons un rôle essentiel dans leur récupération car nous nous assurons que leur récupération commence à la seconde où ils franchissent la ligne d’arrivée lorsqu’ils reçoivent des shakers de récupération, des repas, etc. Ajoutez à cela le massage des tissus mous, c’est tellement bénéfique. Notre travail c’est aussi de nous assurer que les coureurs n’aient pas à se soucier de laver leur kit ou d’attendre de faire à manger ou n’importe quoi d’autre qui les empêche de se concentrer sur la récupération et sur la course du lendemain.
CT : T’occupes-tu de certains types de blessures ou est-ce réservé au médecin de l’équipe ?
CP : Ça dépend de la situation, si l’équipe a voyagé avec un professionnel de la santé désigné alors il s’occupera des blessures. S’il n’y a personne dédié à cela alors c’est un soigneur, qui est qualifié en premiers secours, qui s’occupera de la blessure à condition qu’elle soit dans son champ de compétence et qu’elle ne soit pas trop grave. En général, le personnel médical de l’épreuve procède à un premier diagnostic puis nous prenons la relève mais je dirais que cela varie selon la situation.
CT : As-tu déjà travaillé avec des professionnels qui sont en World Tour ?
CP : J’ai travaillé avec de nombreux coureurs du World Tour et actuellement je travaille aussi avec l’équipe World Tour Uno-X Womens.
CT : Tu es actuellement sur le Tour de France Femmes avec l’équipe Uno-X. Comment décrirais-tu l’atmosphère de la course ?
CP : C’est indescriptible. Pour le premier Tour de France Femmes, il y a un tel engouement et un sentiment si spécial de faire partie de l’histoire qui s’écrit sous nos yeux. Chaque personne impliquée dans cet événement, que ce soit les coureuses, le personnel des équipes, les spectateurs ou les officiels, tout le monde sait à quel point cette course est importante et à quel point elle apportera du changement au cyclisme féminin
CT : Le moment du ravitaillement s’effectue à une grande vitesse, est-ce que c’est pour toi un moment stressant ou est-ce qu’avec le temps c’est juste devenu un banal réflexe ?
CP : Les premières fois que l’on doit faire un ravitaillement ça peut être un peu intimidant, mais en réalité c’est une procédure si simple que ça devient une seconde nature une fois que l’on a fait ça à plusieurs reprises.
CT : Que penses-tu du cyclisme sud-africain ?
CP : Je pense qu’en Afrique du Sud le cyclisme se reconstruit lentement. Autrefois nous avions un front cycliste très fort avec de nombreuses équipes élites et juniors, mais au fil des ans, il a malheureusement un peu diminué.
CT : Cyclisme sur route ou VTT ?
CP : Personnellement, j’ai une préférence pour le cyclisme sur route, simplement parce que je connais beaucoup mieux cette discipline et que j’aime les tactiques de course par équipe sur route, mais après avoir fait quelques épreuves de VTT cette année et avoir compris ce qui les attend dans une course, je dirais que c’est assez serré.