Encore une fois remarquée dans l’hexagone cette semaine avec la victoire de Frederik Dvernes, l’équipe Uno-X aguiche toujours autant les intérêts. À trois mois de son premier Tour de France, la structure norvégienne a vu son manager des sports, Kurt-Asle Arvesen, nous offrir des renseignements exclusifs sur le modèle de cyclisme prôné par l’équipe.
Un passé de coureur
Cycling Times: Bonjour Kurt. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Kurt-Asle Arvesen: Je me nomme Kurt-Asle Arvesen. J’ai deux enfants et je suis un mari heureux. Nous vivons en dehors de la capitale norvégienne, à Eresfjord au nord-ouest de la Norvège. Je suis un ancien cycliste professionnel.
C.T. : Vous avez effectivement été cycliste professionnel pendant 12 ans. Comment avez vous trouvé globalement votre carrière ?
K.A. : Au départ, ce n’était vraiment pas un rêve d’être cycliste mais je suis heureux de ma carrière avec le recul. J’ai rencontré beaucoup de gens sympas, j’ai beaucoup voyagé et le plus important c’est que je me suis beaucoup amusé.
C.T. : Pendant votre carrière de coureur, auriez vous imaginé être aussi impliqué dans le monde du cyclisme que vous l’êtes aujourd’hui ?
K.A. : Oui, le cyclisme me manquerait si je n’avais pas ce travail. Maintenant, j’en fais toujours partie. Je ne manque aucune course et je suis très présent durant les entraînements aussi avec mes protégés.
C.T. : En 2010, vous signez dans l’équipe britannique Sky, au niveau WT, et roules dans la même équipe qu’Edvald Boasson Hagen et Lars Peter Nordhaug. Au même moment, Thor Hushovd est devenu champion du monde. Était-ce le premier grand moment du cyclisme norvégien ?
K.A. : Clairement, une période faste pour la Norvège dans ce sport. En plus, lorsque Thor a gagné, c’était l’une des plus grandes si ce n’est la plus grande chose qui se soit produite dans le cyclisme norvégien.
Garder la tête dans le monde de la petite reine
C.T. : Vous êtes devenu directeur sportif dans la structure de Dave Brailsford en 2012 et vous avez contribué à plusieurs sacres. Pensez-vous qu’il soit nécessaire d’avoir une telle expérience avant de se lancer dans un projet de développement des jeunes comme Uno-X ?
K.A. : J’ai passé une belle période avec Dave Brailsford et j’ai beaucoup appris. Mais cette expérience reste totalement différente par rapport au fait de constituer une équipe à partir de zéro. En plus chez Sky, j’étais exclusivement Directeur Sportif alors que chez Uno-X, je suis comme un couteau suisse, je participe à tout.
CT : Pourquoi et comment est né le projet Uno-X Hydrogen Development Team ?
K.A. : C’était le propriétaire de l’entreprise qui voulait avoir une équipe de cyclisme et il voulait que je fasse partie du projet. Ensuite Jens Haugeland, actuellement PDG de l’entreprise, m’a contacté dès le départ.
C.T. : Comment l’équipe se prépare t’elle pour le Tour de France qui est son premier Grand Tour ? L’approche change-t-elle nécessairement ?
K.A. : Tant que les classiques ne sont pas terminées, rien ne change. En mai, nous aurons un camp d’altitude avec les présélectionnés pour la grande boucle. Enfin, après le Dauphiné, nous aurons un mini camp pour les coureurs définitivement sélectionnés pour le Tour de France.
C.T. : Êtes-vous satisfait de votre début de saison avec déjà trois succès de Søren Warenksjoeld d’Alexander Kristoff et de Fredrik Dvernes ?
K.A. : Oui, un très bon début pour nous. C’est bien d’avoir déjà trois victoires. J’espère que beaucoup d’autres beaux moments au cours de la saison.
Une vision globale du cyclisme
C.T. : Quelle est la stratégie globale de l’équipe dans la course au WT ? L’équipe essaiera-t-elle de participer à beaucoup plus de courses ?
K.A. : Nous sommes dans la perspective de construire une équipe solide et robuste composée uniquement de coureurs danois et norvégiens. Ce n’est pas facile. Mais nous avons un bon propriétaire qui voit sur le long terme et je crois que c’est possible. L’objectif est d’obtenir suffisamment de points UCI au cours des 3 prochaines années.
C.T. : Uno-X a professionnalisé 16 coureurs depuis sa création. Selon vous, ces chiffres sont-ils satisfaisants ?
K.A. : Il est difficile de prédire à quel point un coureur sera bon, mais nous avons de la patience et donnons à tous nos coureurs le temps de se développer complétement.
C.T. : Uno-X a son équipe de développement au niveau continental depuis 2021. En 2019, vous avez été présent sur le calendrier espagnol. On a notamment pu remarquer une belle performance d’Adne Holter. Pourquoi une équipe de développement est-elle autant nécessaire, même pour une Pro team ?
K.A. : Si nous voulons recruter les meilleurs coureurs talentueux de Norvège et du Danemark, nous avons besoin d’un système solide et un engrenage efficace qui prend source à partir des clubs de formations et ensuite l’équipe de développement. Sinon ils vont ailleurs.
C.T. : Des structures comme EF Education, DSM et Jumbo Visma s’intéressent de plus en plus aux jeunes Scandinaves pour leur structure de développement. Comment réagissez-vous à cela à votre niveau ?
K.A. : On voit que les WT/agents recrutent de très jeunes coureurs en ce moment. Nous devons travailler dur et avoir un système bien calibré dont ils aimeraient faire partie.
C.T. : Uno-X a la particularité d’avoir une coach mentale : Karine Andersen. Qu’est-ce qui vous pousse à être si attentif à cet aspect ?
K.A. : C’est l’une des nombreuses choses dont vous avez besoin dans un système pour être complet. Et cet aspect n’est pas secondaire dans notre structure.
C.T. : Le lancement de l’équipe féminine a eu lieu l’année dernière avec Alexandra Greenfield occupant le même rôle que vous dans l’équipe masculine. Les objectifs sont-ils plus élevés cette année pour les femmes ?
K.A. : Oui, ils construisent aussi l’équipe après seulement un an sur la route, mais les automatismes se posent de mieux en mieux.
C.T. : En 2020, nous avons assisté à la disparition de l’équipe Joker Icopal. Cette année, l’équipe Coop a été repêchée de justesse. Comment expliquer cette fragilité du modèle économique quand on a un Danois vainqueur du Tour et deux Norvégiens champions du monde du contre-la-montre (élite et U23) la même année ?
K.A. : Le cyclisme est encore un très petit sport en Norvège, les sports d’hiver retenant beaucoup plus d’attention. Espérons qu’avec Uno-X là-bas, cela puisse changer et espérons que le recrutement dans le sport sera plus important et que de nouvelles équipes en résulteront.
Nous remercions Kurt-Asle Arvesen pour son implication dans la réalisation de cet article. Nous souhaitons également une belle évolution à la structure Uno-X.
