Chef cuisinier au parcours atypique, Camilo Suárez occupe un rôle incontournable dans son équipe, en particulier sur les courses. Le Colombien qui évolue chez les Hollandais de la DSM pour la deuxième saison nous expose cet aspect plutôt méconnu du cyclisme. Quelles sont les réels enjeux de ce métier dans le cyclisme professionnel ?
Dans cette interview exclusive, Camilo Suárez nous éclaire sur son travail au sein de l’équipe DSM et nous fait découvrir les coulisses de la préparation alimentaire dans le monde du cyclisme.
Cycling Times : Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ? Comment êtes-vous devenu chef cuisinier pour l’équipe DSM ?
Camilo Suárez : J’ai été cycliste professionnel en Colombie pendant 8 ans. J’ai eu beaucoup de problèmes avec mon alimentation, je ne parvenais pas à trouver mon poids idéal pour la compétition. J’ai pris ma retraite cycliste en 2014 et j’ai commencé à étudier la gastronomie en Colombie. Comme projet de diplôme, j’ai présenté « Le chef du cycliste » et grâce aux contacts que j’avais lorsque j’étais cycliste, j’ai commencé à cuisiner pour les équipes européennes.
CT : Parlez-nous de votre rôle de chef cuisinier chez DSM. Quelles sont vos principales responsabilités au sein de l’équipe ?
CS : Je suis chargé de préparer les repas des coureurs avant et après chaque entraînement ou compétition, avec tout ce que cela implique : faire la liste de course, les achats, la vaisselle et cuisiner des plats savoureux et nutritifs.
CT : Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés lorsque vous préparez des repas pour une équipe cycliste professionnelle comme DSM ? Comment prenez-vous en compte les différents besoins et préférences alimentaires des coureurs de l’équipe ?
CS : Le principal défi est de devoir se déplacer d’un endroit à l’autre tous les jours, déplacer une cuisine tous les jours devient un grand défi. Je travaille main dans la main avec une équipe pluridisciplinaire de nutritionnistes qui me donnent des menus et des quantités spécifiques pour chaque coureur.
CT : De plus en plus de sportifs de haut niveau choisissent de ne pas consommer de produits animaux. Est-ce un phénomène que vous rencontrez souvent dans le monde du cyclisme ? Si oui, est-ce un problème ?
CS : Oui, cela devient très populaire. J’essaie de suivre un régime végétarien, alors quand je dois cuisiner végétarien pour un coureur, cela me fait très plaisir.
CT : Pouvez-vous nous donner un exemple de repas typique que vous préparez pour les coureurs de DSM lors d’une course ou d’un entraînement intensif ?
CS : Du pain frais, avec des flocons d’avoine trempés pendant 8 heures dans du lait sans lactose. Pour le déjeuner, ça peut être un sandwich ou des pâtes avec des légumes et une sauce très légère, ainsi qu’un gâteau léger avec des ingrédients frais. Et pour le dîner, une entrée comme une soupe de légumes, un glucide facile à digérer, avec du poulet ou du poisson en général et d’autres légumes comme garniture, puis un dessert similaire à celui du déjeuner.
CT : Quel rôle la nutrition joue-t-elle dans les performances globales des coureurs de DSM ? Comment travaillez-vous pour optimiser leur régime alimentaire et améliorer leurs performances ?
CS : C’est très important. Une équipe est chargée d’élaborer les menus et de veiller à la charge calorique de chaque coureur.
CT : Quelles sont les principales tendances ou évolutions que vous observez dans le domaine de la nutrition sportive et comment les intégrez-vous dans votre travail à la DSM ?
Le scanner musculaire, pour connaître la quantité de glycogène dans les muscles de chaque cycliste. Cette information est transmise aux nutritionnistes qui me la transmettent ensuite, traduite en poids d’aliments.
CT : Pouvez-vous nous faire part d’une expérience ou d’un moment fort dans votre travail avec l’équipe de la DSM en tant que chef cuisinier ?
CS : Mon rêve était de porter le maillot rose à un moment donné de ma vie de cycliste, mais il ne s’est jamais réalisé. Cependant, cette année, j’ai cuisiné pour le maillot rose lors du Tour d’Italie.
CT : Comment concilier les besoins nutritionnels des coureurs avec les contraintes budgétaires et logistiques ? S’agit-il d’un défi ou d’une priorité pour les équipes ?
CS : J’envoie généralement la liste de course aux hôtels à l’avance et ils fournissent les ingrédients qui sont directement payés par les organisations de course elles-mêmes, et s’il manque quelque chose, je complète avec l’argent de l’équipe, qui n’est généralement pas très élevé.
CT : Quels conseils donneriez-vous aux cyclistes amateurs désireux d’améliorer leur alimentation pour optimiser leurs performances sportives ?
CS : Je leur conseillerai de manger lentement, de manger de vrais aliments (fruits, légumes et céréales) et d’apprendre à cuisiner soi-même.
CT : Sur le dernier Giro, comment as-tu vécu le contre-la-montre du Monte de Lussari ? Tu étais sur la moto suiveuse derrière Jonas Hvideberg avec son vélo de rechange accroché à ton épaule pendant de longues minutes. Était-ce prévu depuis longtemps ?
CS : C’était une expérience unique, les montagnes avec la neige étaient une carte postale pour les cyclistes de ce contre-là-montre. Ce n’était pas prévu, mais la veille à 23 heures, on m’a dit que je devais accompagner Jonas. Comme j’étais un ancien cycliste et que je fais maintenant du yoga, j’ai des compétences avec mon corps et ce n’était pas si difficile de porter le vélo pendant si longtemps.
Nos remerciements chaleureux à l’égard de Camilo pour la contribution.