Depuis le début du Tour d’Espagne le 19 août, Remco Evenepoel domine la féroce adversité qu’il affronte dans les premières étapes de montagne. Primoz Roglic, Enric Mas, Simon Yates, Carlos Rodriguez, Juan Ayuso, ou encore Jai Hindley : ces coureurs prestigieux ont été pour l’instant tous impuissants devant la puissance du Brabançon de la Quick-Step Alpha Vinyl Team. Une domination qui a surpris beaucoup de monde dans le monde du vélo, malgré l’évidence du talent de ce jeune homme de 22 ans.
Une révélation dans les montées
Revenons au 12 mars 2022, date de la 6ème étape de Tirreno Adriatico. Ce jour-là, Remco Evenepoel a été lâché dans la première ascension du terrible Monte Carpegna. Il perdra alors 4 minutes sur le vainqueur, le double vainqueur du Tour de France Tadej Pogačar. Cet évènement a fait installer l’idée qui stipule que Remco est un coureur incapable de suivre les meilleurs dans les cols accidentés.
5 mois plus tard, cette supposition a été clairement et simplement réduit en miettes par le Belge. En effet, affuté physiquement, pesant 63 kilos contre 2 à 3 kilos supplémentaires 5 mois plus tôt, il s’est idéalement préparé pour son deuxième Grand Tour. Pour être au top de sa forme, Il a dû participer à un stage de trois semaines en altitude à Livigno, puis 11 jours de stage dans la région d’Alicante, logé dans une chambre hypoxique, au sein de l’hôtel Syncrosfera.
Après son stage au nord de l’Italie, il surclassa la Clásica San Sebastián. Et depuis le début de la Vuelta, il domine la concurrence dans les forts pourcentages. Dimanche dernier, durant la terrible ascension des Praeres (3,9 km – 12,9%, pourcentage maximal à 24%), Evenepoel a déjoué les pronostics en distançant tout le monde à la pédale, et en battant au passage le record de la montée. A l’arrivée, Juan Ayuso termine à 34 secondes du Belge, Enric Mas à 44 secondes, Carlos Rodriguez à 46 secondes et Primoz Roglic à 52 secondes !
Bref, des écarts impressionnants sur une ascension de 15 minutes. Sur cette Vuelta, Remco Evenepoel a prouvé au monde entier qu’il est non seulement devenu un coureur capable de suivre les meilleurs dans les forts pourcentages, mais également de les dominer.
Remco 2.0 : un coureur meilleur techniquement et mentalement.
Il fut un temps où Remco Evenepoel fut décrié pour ses lacunes techniques, notamment lors du Tour d’Italie 2021. De retour dans le peloton 8 mois après sa terrible chute dans le Tour de Lombardie, il s’est remarqué par sa fébrilité dans les chemins de graviers toscans de la 9ème étape, et dans les descentes. D’ailleurs, son abandon était dû à une chute en descente durant la 17ème étape.
Cette période paraît loin désormais pour Remco Evenepoel. Tout d’abord, il a progressé de manière significative en descente. Ces progrès sur ce secteur se sont vus sur le Tour du Pays Basque, où ce dernier a été capable de provoquer une échappée dans la descente de « Karabieta« , lui permettant d’arracher le maillot de leader avant l’ultime étape.
Au sein du peloton, le Belge est beaucoup plus calme et détendu. En effet, en travaillant au sein du train de la Quick-Step pour son sprinteur Fabio Jakobsen en début d’année, il sait bien mieux « frotter » désormais. Cette année, il n’a pas chuté une seule fois en 52 jours de course.
Enfin, le changement le plus impressionnant chez Remco est sa prise de maturité. Dès ses débuts dans le peloton, le Belge s’est remarqué par son fort caractère, qui pouvait parfois le mener à une nervosité non contrôlée lors de moments critiques pour lui. Chose désormais de moins en moins présent. Remco a certes conservé sa forte personnalité mais l’utilise plus désormais pour afficher une forme d’autorité qui impressionne. Durant la 9ème étape du Tour d’Espagne, le Belge suit une attaque de Richard Carapaz et lui avise calmement de rentrer dans le rang, tel un vétéran du peloton.
Peut-il remporter la Vuelta ?
C’est la question qui habite les esprits de beaucoup d’observateurs. Remco Evenepoel a certes dominé de la tête et les épaules la première semaine, mais la Vuelta est loin d’être terminée. Deux semaines se profilent à son horizon, et il passera par des moments cruciaux pour réaliser cet exploit. Peut-il réussir à garder sa condition physique pendant deux semaines supplémentaires ?
Beaucoup notent le fait que durant le Giro de l’année dernière, le Belge était à la bagarre avec les meilleurs durant les premières étapes de montagne, avant de faiblir et de s’écrouler dans les Alpes. Mais pour sa défense, Evenepoel avait réalisé une préparation très écourté de deux mois et demi, ce qui est insuffisant pour être compétitif durant trois semaines. Si on en croit Koen Pelgrim, son entraîneur, Evenepoel, grâce à un bon hiver et une bonne préparation finale, peut le faire :
Koen Pelgrim, l’entraîneur de Remco Evenepoel expliquant pourquoi son poulain est mieux préparé que l’année dernière.
De plus, survient la question de l’altitude. En effet, La 15ème étape de la Vuelta sera peut-être le plus grand défi de la carrière de Remco Evenepoel, puisqu’il va devoir affronter l’ascension de la Sierra Nevada. 19,3 kilomètres à 7,9% de moyenne, et dont le sommet est à 2513 mètres d’altitude. Si Remco Evenepoel veut gagner la Vuelta et entrer dans la cour des Grands, il doit ne pas faiblir lorsqu’il grimpera au-dessus des 2000 mètres. Ces deux points d’interrogation détermineront probablement le reste de sa carrière.
En 1978, Johan de Muynck fut le dernier Belge vainqueur d’un Grand Tour, en remportant le Tour d’Italie. Est-ce que Remco Evenepoel peut mettre fin à cette disette belge de 44 ans ? La suite nous donnera la réponse.