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Interview de Bernard Hinault : l’importance du Tour de l’Avenir et coup de gueule sur les nouvelles technologies

by Gaspard Langrand

Bernard Hinault est quintuple vainqueur du Tour, triple vainqueur du Giro, double vainqueur de la Vuelta, dernier français à avoir remporté Tour. C’est l’un des plus grands coureurs de l’histoire. Il accepté de nous parler de son rôle de parrain du Tour de l’Avenir, de l’éclosion plus en plus précoce des jeunes ainsi que de la place des technologies dans le cyclisme.


 “J’ai toujours été intéressé par le Tour de l’Avenir »

Cycling Times :  Bonjour M. Hinault, a propos de votre rôle de parrain du Tour de l’Avenir, cela fait combien de temps que vous êtes là ?

Bernard Hinault : Ça fait au moins 20 ans. Oui, facilement. J’ai toujours été intéressé par le Tour de l’Avenir parce que ça concerne les moins de 23 ans. Ce sont tous les champions qu’on pourra peut- être retrouver dans 1 an, dans 2 ans. C’est les Pogacar, les Bernal, Vingegaard qui, par ailleurs, avait fait que sixième. Les Bardet, les Barguil… Tous les coureurs qui sont aujourd’hui, pour ainsi dire, au sommet chez les professionnels, sont passés par le Tour de l’Avenir. Et surtout, les jeunes qui, aujourd’hui, sont dans ce peloton ont beaucoup de chances de devenir professionnel. Il y a, entre 30 et 40% d’entre eux, qui vont passer professionnels et qui auront une place importante.

C.T. : Donc, pour vous, le cyclisme au berceau, au plus jeune âge, c’est important de le développer ?

B.H. : Bien sûr. On s’aperçoit qu’aujourd’hui il y a des jeunes coureurs, de plus en plus jeunes d’ailleurs, qui arrivent chez les professionnels à 18 ans. On a eu en Belgique Evenepoel, il y en a encore un autre, qui a un nom difficile à prononcer [ndlr : Cian Uijtdebroeks (Bora-Hansgrohe)], qui va très bien. Il y a un petit espagnol qui a 18 ans [ndlr : Juan Ayuso (UAE Team Emirates)], c’est pareil. 

On a eu tendance, pendant très longtemps, à dire « Ah non non, faut pas les mettre très jeunes à travailler ». Et c’était peut-être une erreur. Parce qu’on s’aperçoit qu’aujourd’hui, que tous ceux qui sont là, ils sont jeunes et ils vont aussi bien que les autres. Alors peut-être qu’ils ont des capacités supérieures à d’autres aussi. 

C.T. : Les grosses formations comme UAE, INEOS, Jumbo-Visma ou Quickstep etc. , comme on a pu le voir avec Evenepoel, Vingegaard, Ayuso… , prennent les jeunes talents. Les plus petites équipes, même du World Tour se font doubler.

B.H. : Mais c’est à eux ! Non, non, il ne faut pas partir de ce principe-là. Tout le monde est sur le même pied d’égalité au départ. Il faut simplement regarder. 

Comme par hasard, il n’y a pas un directeur sportif qui est là. Alors que, si t’es dans une petite équipe, et ben moi, je viens et je vais aller observer. Peut-être que je vais trouver le petit champion avant qu’il ait déjà signé. Parce que s’il a 18 ans, ou même 21 ans, tu vois qu’il a fait un super bon numéro, tu dis « mais tu veux pas signer avec moi ce soir ? ». Si il a pas déjà été engagé. Mais les petites équipes, il faut déjà aussi qu’elles regardent à partir des cadets, des juniors… Parce que les grosses équipes, elles ont toujours quelqu’un qui regarde à droite et à gauche. “Tiens regarde celui-là, il a des capacités en junior, il gagne de belles courses”. Parce qu’il y a de très, très belles courses juniors, qui sont révélatrices de talents. Donc il faut aller dans les courses. Alors que si tu restes dans ton fauteuil, c’est sûr et certain que tu ne vas pas les voir.

C.T. : Pour revenir sur le tour de l’avenir plus généralement, on le considère souvent comme le Tour de France espoir.

B.H. : Oui, c’est le petit Tour de France.

C.T. : Un peu comme le Baby Giro.

B.H. : Oui, c’est ça, tu as de belles conditions de travail. T’as tout, vraiment ! Avec une belle course. Et l’avantage du Tour de l’Avenir, à mon avis. C’est qu’ils ont pas d’oreillettes. Donc ils sont obligés de courir avec leur tête. Plutôt que sur le Baby Giro, où ils leur dise, faut faire ceci, il faut faire cela.

C.T. : Ce serait quoi pour vous la solution pour qu’un Français, ou tout simplement qu’une équipe française fasse gagner un Grand Tour à l’un de leur coureur. On avait bien vu Ben O’Connor sur le Tour 2021 qui s’est illustré. Est-ce que vous auriez des messages à faire passer aux équipes ?

B.H. : Le message, c’est ce que j’ai dit avant. C’est d’aller voir chez les juniors, peut-être même chez les cadets. Commencer à regarder pour savoir si ce coureur sera un bon. Parce que tu as de belles épreuves. Je crois qu’il y a des coupes du monde junior. Même déjà des coupes de France junior. Je sais qu’il y en a chez moi en Bretagne. Mais tu vois déjà certains coureurs qui ont du talent.

Contre l’assistance technologique des coureurs

Bernard Hinault et son entraîneur Paul Köchli

C.T. : De manière générale, vous parliez tout à l’heure des oreillettes. Vous êtes plutôt pour ou contre ?

B.H. : Contre. Parce que les coureurs ne sont pas des machines. Je suis contre ça. Je suis contre en course. Et contre les capteurs de puissance. Parce que les coureurs sont en permanence en train de regarder les watts. Mais ils ne regardent pas la route. Et on s’étonne qu’il y ait beaucoup de chutes. 

Entre celui qui nous crache dans les oreilles et celui qui dit « Ah, je suis à 400 watts. Ah non, je suis à 200 watts ». Ils sont toujours comme ça. Mais avec des freins beaucoup plus réactifs aujourd’hui, avec des freins à disque. Ben ce sont des petites demi-secondes d’inattention que tu as. Du coup t’es dans le cul de l’autre. Parce que le SRM [ndlr : type de capteur de puissance], il sert à rien dans la course. A l’occasion, que tu l’aies pour t’entrainer, pour savoir juste où tu vas te situer et puis faire tes performances. Mais en course, t’es obligé de suivre. Ou alors si tu regardes, tu dis bah non, 420 c’est trop, j’arrête. Alors que peut-être ce jour-là il peut aller à 450 ou 500 watts.

C.T. : Vous avez peur que ça gâche un peu la course ?

B.H. : C’est aux professionnels de réagir. C’est à eux de dire non. “Mais il n’est pas question, moi je cours pas comme ça, je fais comme ça ! ” Si moi je suis coureur, toutes ces conneries, je les dégages. Parce que, quand l’entraîneur fait le programme, je dis, “c’est toi qui va rouler ? Non, c’est moi. Alors c’est moi qui sais.” Comme moi, j’ai fait à l’époque aussi. Je sais ce que j’ai à faire. Je dois être performante tel jour, alors c’est mon problème. Je m’entraine mais je serai là ce jour-là. Et ça, ça manque un peu.

C.T. : Du coup, d’un point de vue des technologies, des techniques d’entraînement, etc. Est-ce que vous auriez aimé, à votre époque, tester du nouveau matériel. Par exemple courir avec des freins à disque, etc.

B.H. : On n’avait pas de freins à disque, mais j’aurais été très content d’en avoir. Parce que j’aurais pu faire des descentes encore plus rapides. Les technologies, les méthodes d’entraînement qui sont mises en place aujourd’hui, sont beaucoup plus informatisées, mais déjà, nous, on connaissait ça avec Paul Köchli [ndlr : entraîneur réputé de Bernard Hinault]. C’est un précurseur vraiment du savoir, et je pense que c’était lui le grand premier de tout ça.

C.T. : En conclusion, vous faisiez vraiment ce que vous vouliez dans les équipes. C’était vous le chef ?

B.H. : Oui, voilà le patron et il en faut un. Et je suis devenu le patron, j’ai imposé ma loi.

C.T. : Merci M. Hinault 

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