Si vous l’avez loupée, retrouvez la première partie de l’interview de Mathilde juste ici ! Sinon, bonne lecture de la partie 2 !
Cycling Times : […] Tu es une femme engagée. Que ce soit dans tes déclarations ou dans ta manière d’agir, tu mets toujours le rôle des jeunes passionnés en avant.
Quelle place les jeunes prennent dans les médias selon toi ? Ou, devraient-ils prendre ?
Mathilde L’Azou : J’aimerais bien qu’ils prennent une place un peu plus importante. Ça serait bien. On est une génération qui s’en sort, qui arrive à évoluer, qui arrive à maîtriser beaucoup de domaines d’activité. Mais c’est vrai qu’on est une génération qui est capable de faire énormément de choses, qui est passionnée. Je l’espère en tout cas. Pour la plupart. Et c’est vrai que ces jeunes là, pour moi, il faudrait leur donner la chance qu’on m’a donnée.
C’est ça le truc ! C’est transmettre. C’est tellement important dans ce métier et dans le sport : transmettre une passion. Transmettre l’amour du sport aux grands, au public, aux gens qui ont tendance maintenant à se sédentariser. Et pour ça, il faut aller avec les jeunes. Ce sont les jeunes qui ont les codes de l’information. Ce sont les jeunes qui savent maintenant comment parler aux autres jeunes. Grâce à Tik Tok, grâce aux réseaux sociaux.
Je ne suis pas trop d’accord avec le fait de stigmatiser les jeunes. Comme quoi on cherche que le buzz ou autre. C’est pas vrai. On est pas tous comme ça. Après, je dis aussi attention. Parce qu’il y a beaucoup de gens de la nouvelle génération qui, grâce aussi à ces réseaux sociaux, parfois, se sentent un peu pousser des ailes et se voient un peu trop beaux pour ce qu’ils ne sont, au début.
Il ne faut pas oublier que personne n’est irremplaçable dans ce métier et qu’il y aura toujours, un jour, quelqu’un qui arrivera avec une meilleure idée que la tienne. Et donc il faut toujours savoir se remettre en question. Ne pas se sentir plus fort qu’on ne l’est. Ça, c’est peut-être juste le petit conseil que je pourrais donner à la jeune génération.
C.T. : Tu es marraine du prix Etienne Fabre. Est-ce que tu peux présenter ce prix, dire ce que c’est, ce que ça représente pour toi ?
M.A. : C’est un prix qui est, je tiens à le préciser, mis sur pause cette année. Mais qui récompensait les cyclistes qui faisaient des études supérieures en parallèle de leur carrière. On avait 3 catégories, femmes, hommes et handisport. C’est vrai que c’était génial parce qu’on a récompensé du beau monde. On a pu accompagner financièrement, aider à trouver un stage [..] à Loana Lecomte, à Benoît Cosnefroy, à Alexandre Lloveras,… Il faut mettre en avant et rappeler aux sportifs, surtout à ceux qui sont très tôt pro, en cyclisme ou ailleurs dans le sport, qu’une carrière peut s’arrêter du jour au lendemain. Et qu’il faut déjà penser à l’après. Même quand on a 19, 20 ans.
Le prix Etienne Fabre a été créé suite à la disparition d’Étienne Fabre (qui est décédé dans un accident de montagne) alors qu’il avait 20 ans et qu’il était promis à une belle carrière. […] C’était une volonté de sa famille, de son ancien club et de ses proches de créer quelque chose. De transmettre son héritage. C’est pas simple de penser à l’après quand on a 19, 20 ans et qu’on est sûr de passer pro. Mais il le faut. […]
3 lauréats font le Tour de France cette année. C’est quand même pas rien. Et c’est chouette ! Tant mieux ! J’espère que ce prix va revenir. Parce qu’il peut aider les cyclistes. Ça peut aussi les booster, leur dire “Allez, je peux y arriver. C’est faisable”.
C.T. : Comment vois-tu l’avenir du cyclisme féminin ?
M.A. : Rayonnant ! J’espère vraiment que le Tour Femmes va vraiment aider à mettre en avant ces guerrières au même niveau que que les hommes. Elles ne déméritent pas moins. Elles méritent même plus parfois. Quand on voit les conditions de travail de certaines. Parce qu’on parle bien de travail, plus de passion. Quand on fait le Tour de France, quand on fait la Flèche Wallonne, ça devient vraiment costaud.
J’espère vraiment que, petit à petit, le grand public va commencer à s’y intéresser. Quand on voit ce qui se passe aux Pays-Bas, où les audiences des courses féminines sont plus fortes que celles des courses masculines. C’est qu’il y a quelque chose à creuser.
Je pense aussi qu’il faut une star, plusieurs stars du vélo féminin pour que ça explose. Une Pauline Ferrand-Prévot, une Audrey Cordon-Ragot. Elles ont fait le taf, elles font toujours le taf. Elles permettent vraiment d’offrir cette dimension médiatique et populaire au cyclisme féminin. Mais après, il y a des nouvelles stars qui vont arriver. Une Juliette Labous, une Victoire Berteau, des filles qui ont du caractère, qui ont quelque chose à raconter, qui ont de la hargne et qui vont briller sur le Tour ou sur les prochains événements. Forcément, on va en parler. Et je pense que, oui, l’impact du Tour, mais aussi des Jeux olympiques l’année prochaine, à Paris, ça peut vraiment aider.
C.T. : Selon toi, qu’est-ce qui pourrait être amélioré dans le cyclisme féminin ?
M.A. : Le regard des gens déjà. Par exemple, les critiques l’an dernier quand il y avait eu l’étape des chutes sur le Tour. C’était d’une violence… En fait, ils ne s’en rendent pas compte. Ça chute autant sur le Tour mec. C’est juste une question de stress, de parcours. Enfin c’est pas forcément la faute des filles. C’est juste que c’est nerveux et du coup : ça chute. Mais c’est pas parce que ce sont des filles que ça chute plus. Donc ça, ça m’avait un peu agacée. Pareil, quand j’ai vu passer le tour des Pyrénées cette année. Les réflexions de l’organisateur en mode “C’est pas des stars, pour qui elles se prennent ?!”. C’était tellement misogyne ! Et que personne ne veut dire : “mais tu dis quoi ?”. Enfin allô ! Pourquoi dans ce cas tu fais une course femme ? Même si je comprends que c’était maladroit… C’est plutôt des réflexions comme ça qui va falloir changer. Donc peut-être, le regard sur le sport féminin, sur les femmes en général : arrêter de féminiser à tout prix.
Le sport féminin essaie d’être rendu sexy alors qu’elles ont droit de suer. Elles ont droit de faire des grimaces. […]
Mais petit à petit, on va aller vers quelque chose de meilleur. Après, ce qu’il faut modifier et ce qui est en train de se faire petit à petit : les conditions de travail, l’instauration du salaire minimum en World Tour. C’est une bonne chose. L’instauration du congé maternité. J’ai envie de dire, Alléluia. Mais c’est petit à petit.
Maintenant, il va falloir aussi essayer de l’appliquer aux équipes de l’échelon un peu inférieur et essayer de structurer. […]
Je pense que les choses vont évoluer. Ça évoluera dans le bon sens.
[…]
C.T. : Comment envisages-tu ton avenir ?
M.A. : Ah, c’est une vaste question ! J’imagine mon avenir dans le sport. Après, sous quel rôle ? Ça, c’est une très bonne question. Je ne me ferme aucune porte. Est-ce que ce sera encore dans la communication ? Est-ce que ce sera encore dans le journalisme ? Est-ce que ce sera pas dans un autre domaine complètement différent ? Je me laisse le temps de voir. Je pense que ça rejoint peut être la question de tout à l’heure sur notre génération. Je pense vraiment qu’on est capable de se réinventer, de pouvoir apprendre d’autres choses. Et moi j’ai pas peur de le faire. Voilà, j’ai 27 ans. Et j’ai encore quelques années quand même à faire avant la retraite méritée. Mais, non, j’espère juste être heureuse et pouvoir continuer toujours à accompagner des sportifs. Je me laisse encore le mystère de savoir dans quel rôle je serai dans quelques années.
C.T. : Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui veulent se lancer, comme toi, dans le journalisme sportif ou la photographie sportive ?
M.A. : N’ayez pas peur de ne pas compter vos heures ! N’ayez pas peur de partir tous les week-ends, de partir tous les soirs. Surtout, n’ayez pas peur. Foncez ! Croyez en vous ! Ne vous prenez pas non plus pour des stars ou pour le meilleur. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un de meilleur que vous. Apprenez. Apprenez auprès des plus grands, auprès des plus expérimentés. Moi, sur mon compte Instagram, je réponds toujours aux gens qui me posent des questions sur mon métier, qui me demandent des conseils sur les études. Parce que je trouve que c’est important. Il y en a qui ont des questions sur les finances, sur les débouchés… et je pense qu’il vaut mieux être honnête. Et puis, croyez en vous. Il y a une voie royale qui existe, entre guillemets, pour être journaliste, pour faire de grands événements. Après, c’est pas la seule voie, il y en a qui sont plus périlleuses, qui sont peut-être plus longues. Mais si vous y croyez, ça va le faire un jour ou l’autre. Il faut juste être patient et travailler.
C.T. : C’est beau comme message.
M.A. : Au moins c’est honnête.