Lenny Martinez est l’un des espoirs du cyclisme français. Il prendra part dès samedi à son premier Grand Tour. Il nous livre dans ce grand entretien ses sensations, ses impressions et ses attentes. Il devrait nous faire un bilan de sa course à la fin du mois de septembre. Les propos ont été recueillis le 6 août
“Je me sens plutôt bien”
Cycling Times : Bonjour Lenny, comment te sens-tu à l’aube de cette première Vuelta ?
Lenny Martinez : Je me sens plutôt bien, ça va, les sensations sont bonnes. Ce n’est pas la fin de saison, mais presque pour moi j’ai l’impression. Chaque année je sais que les sensations sont de mieux en mieux au fil de la saison. Là ça va bien donc on verra à la Vuelta.
C.T. : Ta forme, elle se situe comment ? Tu as bien récupéré après ta chute au Tour de Pologne ?
L.M. : J’ai encore mal, honnêtement, pour l’instant. Donc je vais peut-être passer des examens pour faire un scanner dans la semaine. Pour voir si c’est pas cassé. Normalement, si c’était cassé, on m’a dit qu’on ne pensait pas que j’aurais pu faire les étapes après. Donc je pense que ça va passer. Ma forme n’est pas non plus beaucoup au-dessus d’il y a quelques mois. Mais elle est pas en dessous. Donc elle est bonne.
C.T. : Qu’est-ce qui s’est passé concrètement ?
L.M. : C’est le cul qui a tapé en premier. J’ai une sub-luxation du coccyx/sacrum. Un truc comme ça. C’est quand même assez sérieux. En fait, à chaque fois que je relançais, assis, ou que je mettais un peu un peu de force, j’avais mal. J’espère que ça va passer quand même. Normalement c’est pas cassé donc ça va.
C.T. : On croise les doigts.
NDLR : Lenny est rétabli depuis notre entretien. Il nous a confirmé aujourd’hui que tous va bien
S’aligner sur la Vuelta, une histoire de plus de 8 mois
C.T. : Pourquoi la Vuelta et pas un autre Grand Tour ?
L.M. : Je pense que la Vuelta c’est pas mal. Parce que le Giro, c’est un peu trop tôt dans la saison pour la première année pro. Et le Tour, c’est un peu trop élevé. La Vuelta arrive pile en fin de saison. J’aurais presque fait un an à la World Tour. Donc ça arrive pile poil. Je pense que c’est un bon Grand Tour pour commencer.
C.T. : C’est toi qui a choisi ou c’est l’équipe ?
L.M. : Moi je ne savais pas du tout si j’allais faire un Grand Tour cette année. Parce que c’est quand même tôt. C’est l’équipe qui m’avait déjà dit ça cet hiver ; qu’il y avait possibilité de faire la Vuelta. Donc pourquoi pas ?
C.T. : Tu as effectué ton premier stage en altitude chez les professionnels, il y a un peu moins d’un mois, à Tignes. Comment ça s’est passé et est-ce que tu ressens déjà les effets ?
L.M. : Pour l’instant, je ne sais pas si c’est des effets de l’altitude ou si c’est l’entraînement. J’essaie de faire à peu près tout bien pour être performant. Donc, pour l’instant je ne sais pas. Normalement, il y avait une période où on devait être moins bien. Ça devait être au Tour de Pologne.
Je ne sais pas trop quand elle va arriver. Elle est peut-être déjà passée sans que je l’ai vu. Mais pour l’instant ça va. Je pense que je vais voir les effets de l’altitude qui vont arriver bientôt.
C.T. : Est-ce que la pression monte différemment ?
L.M. : Un petit peu. C’est moi qui me la mets moi-même parce que c’est un Grand Tour. Je pense que c’est plus le fait de faire 3 semaines de course. Je ne sais pas du tout comment ça va se passer. Déjà, quand on fait une semaine, à la fin, ça commence à faire.. Donc 3 fois ça, c’est complètement différent je pense. J’ai déjà fait de belles choses cette année et je vais essayer d’encore en faire sur la Vuelta. Si ça se passe bien, comme je le disais, c’est du plus ; tant mieux ! Et puis si ça se passe un peu moins bien, je suis encore dans ma première année. Il ne faut pas l’oublier, je suis là pour apprendre aussi.
Un Tour d’Espagne, plusieurs objectifs
C.T. : Cet été, on a demandé à Marc Madiot quels étaient les objectifs de l’équipe sur la Vuelta. Il nous a confirmé que ce serait bien les jeunes qui feraient la Vuelta, et nous a répondu que ce serait de l’apprentissage avant les résultats. Est-ce que tu es d’accord avec ses dires ?
L.M. : Ah c’est sûr. C’était comme cette année. C’était plus “apprentissage avant les résultats”. Après, tant mieux ! Il y a des résultats qui sont arrivés en même temps. Nous, ça nous va et il y aura une équipe jeune mais il y aura quand même des expérimentés aussi pour nous aider. On verra tout simplement comment ça se passe.
C.T. : Il y a un an, tu nous avais dit, à propos de tes objectifs, je cite « Dans 2, 3 ans, peut-être les Grands Tours, essayer de performer, de suivre, gagner des courses, des victoires d’étape sur des Grands Tours ». Est-ce que tu considères être en avance sur tes objectifs ? Tu as déjà gagné au sommet du Mont Ventoux.
L.M. : Je ne pensais pas gagner cette année. Il y a beaucoup de coureurs professionnels qui ne gagnent jamais chez les pros. Parce que le niveau est vraiment relevé. Alors là, gagner dès cette année, c’était super. Je prends les choses comme elles viennent. Il y a la Vuelta qui va arriver. Si ça se passe bien, tant mieux. Et puis si j’ai un peu du mal. Ce sera l’apprentissage. Ça ne sera pas mon dernier Grand Tour.
C’est de l’apprentissage.
C.T. : A quoi ressemblerait une Vuelta réussie pour toi ?
L.M. : Ça dépend. Il y a “réussi” et “très très réussi”. Je pense que “réussi” ce serait, déjà de finir la Vuelta, d’avoir été régulier, de bien performer, d’être là et d’être à mon niveau niveau. Je ne sais pas encore à quoi m’attendre, si c’est le général ou si c’est viser une victoire d’étape. Et puis le “très très réussi”, ce serait une victoire d’étape ou quelque chose comme ça. Je pense que chaque coureur qui prend le départ de la Vuelta, y pense quand même. Parce que tout est possible, mais voilà, c’est quelque chose de grand encore. C’est quand même une victoire sur un Grand Tour. Ce serait pas trop mal aussi.
C.T. : Donc pas d’étape particulière de visée ?
L.M. : Y en a des belles quand même, mais bon… Je pense que si il y a une victoire d’étape, il faudra aller dans l’échappée parce que, avec les coureurs qui vont être au départ, ça va être compliqué. Si je les bats sur une étape en jouant le général, ça veut dire que je peux gagner la Vuelta. Donc je pense que ce n’est pas possible.
C.T. : Du coup l’objectif serait de partir dans l’optique d’un général, et si tu perds du temps, tenter les étapes.
L.M. : Voilà, c’est ça, je pense. À mon avis, on ne va pas perdre du temps volontairement au début. Enfin, moi. Et puis, si à un moment je perds vraiment trop de temps, switcher. Mais voilà, essayer de perdre le moins de temps possible, à mon avis, au début.
C.T. : Est-ce que tu as le maillot à pois dans un coin de la tête ?
L.M. : Ça dépend. […] Par exemple, tu gagnes une étape et du coup tu prends beaucoup de points au sommet et là ça devient un peu plus un objectif au fil de la Vuelta. Mais dès le début de la Vuelta, c’est pas un objectif du tout.
Une course à part
C.T. : Dans notre précédente interview, tu nous disais que dans la Conti, il y avait une super ambiance, aucune rivalité. Comment est l’ambiance entre vous et les autres coureurs avant le départ ?
L.M. : Globalement, moi je trouve qu’il y a vraiment une bonne ambiance, que ce soit avec les mecs qui sont un peu plus vieux et les jeunes. Et avec les jeunes on a déjà fait beaucoup de courses ensemble, pour la cohésion, donc nous on s’entend super bien. Chacun a un rôle qui est déterminé. On ne peut pas aller sur la Vuelta avec quelqu’un qui pense qu’à lui alors qu’il va être équipier. Tout ça c’est pas possible. Donc voilà il faut avoir aussi les bonnes personnes sur Vuelta.
C.T. : Est-ce que ta victoire au Mont Ventoux Dénivelé Challenge a un peu rehaussé ta place au sein du peloton ? Tu es un peu plus considéré maintenant qu’avant ou pas du tout ?
L.M. : Je ne m’en aperçois peut-être pas. Je ne sais pas. Je ne suis pas dans la tête des autres, mais je pense que oui quand même. Quand tu gagnes chez les pros tu te fais tout de suite remarquer dans le peloton. Et puis j’ai eu quelques résultats par ci, par là. Je pense que le fait que je sois jeune, les gens commencent à me connaître. Donc, ouais, je pense, à mon avis. Mais bon, après, j’ai pas une place VIP dans le peloton non plus (rires).
C.T. : Non bien sûr. Et toi, au niveau de ton estime, de ta confiance en toi ?
L.M. : Ouais, c’est sûr ça l’a fait augmenter. Mais après faut garder la tête sur les épaules. Par exemple, avant, une place de 5e était super. Maintenant, une place de 5e, je me dis : « j’aurais peut-être pu gagner ». Tous les objectifs sont rehaussés et on se dit : « J’en ai déjà gagné une, alors je peux en gagner plusieurs ».
C.T. : Merci à Lenny pour sa disponibilité