Primoz Roglic est devenu ce dimanche le premier coureur slovène vainqueur d’un Grand Tour. Déjà très en vue sur les routes du Tour d’Italie, où il s’était classé 3e, le leader de la formation Jumbo Visma a tenu son statut de favori au cours de ces trois semaines.
Et pourtant, la tâche s’annonçait difficile. La présence de solides adversaires tels que Miguel Angel Lopez ou Nairo Quintana, le leadership partagé avec son coéquipier Steven Kruijswijk, ou encore le peu de contre-la-montre laissaient planer le doute quand à sa capacité à s’imposer à Madrid. Et ce n’est pas la première étape qui a permis de changer la donne. Victime d’une chute avec ses coéquipiers lors du chrono par équipe, Primoz a été contraint de laisser filer cette première occasion de creuser des écarts, alors que « Superman Lopez » endossait le maillot rouge.
Mais notre futur vainqueur ne s’est pas laissé abattre par ces obstacles, et les a même balayé d’un simple revers de la main dès la 2e journée, en se montrant offensif sur une étape de plaine, remportée par Nairo Quintana. 40 secondes de reprises, et un message fort envoyé à ses adversaires, comme pour dire « fausse alerte, tout va bien ». Et le slovène revenait dans la course au maillot rouge.
Il ne lui restait plus dès lors qu’à courir à la perfection, sans commettre d’erreur, en misant sur sa forme et ses qualités de rouleur. Bien entouré par ses compagnons de route, Roglic a pu construire son succès avec un calme étonnant, tout en maîtrise, sans jamais montrer de signe de faiblesse. Sur cette arrivée difficile à l’observatoire de Javalambre, premier véritable test en montagne, il a répondait présent, laissant le flamme colombienne briller encore un peu sous les coups de pédale énergiques de Lopez, bien calé dans la roue du champion du monde. Le lendemain, alors que la jeunesse de cette Vuelta s’essayait à quelques attaques audacieuses, le slovène se faisait discret, comme le feraient ceux qui connaissent la fin du film.
Mais alors que le Tour d’Espagne entrait dans une phase cruciale, avec la terrible arrivée à Más de la Costa, un quatuor majestueux s’est envolé sur les pentes exceptionnellement raides de l’ascension finale. Une fois de plus, Roglic répondait présent, terminant dans la roue de Valverde, acclamé en héros sur ses terres. Quatre coureurs pour un maillot, et Roglic toujours dans le coup, les malheurs du premier jour semblait désormais bien loin…
Mais la route était encore longue, et les écarts infimes. De quoi justifier le grand spectacle qui a suivi sur les routes détrempées d’Andorre. 94 km de pure folie, des attaques incessantes, une étape impossible à contrôler. Mais alors que Primoz semblait avoir la situation parfaitement en main, répondant avec force aux attaques de la Movistar et revenant progressivement sur un Lopez survolté, une chute a mis un terme à ses espoirs de victoire. Roglic distancé, et Pogacar qui s’envole, un scénario catastrophique pour le leader jaune et noir. Mais c’était sans compter sur sa détermination et sa sérénité à toute épreuve, car le slovène est parvenu à rejoindre Valverde dans les derniers kilomètres, faisant ainsi étalage de sa forme étincelante. Le constat allait se confirmer le lendemain sur le second contre la montre, qui a permis au slovène de porter le coup fatal à ses rivaux, en assomant l’épreuve, et par là même occasion le classement général.
La seconde partie de ce Tour d’Espagne aura été un véritable récital, un chef d’œuvre tactique où les jaune et noir ont manœuvré avec une finesse rare. Une entente tacite entre slovène lui permettait de tenir à distance ses rivaux les plus directs dans l’ascension de Los Machucos, où l’ancien sauteur à ski à démontré une étonnante facilité. C’était clair désormais, c’était bien lui le patron de ce Tour d’Espagne. Bien décidé à conserver sa précieuse tunique rouge, le leader a couru chaque étape de montagne de la même façon, en suivant les attaques décisives, laissant chaque fois le soin à celui qui l’initiait de franchir la ligne en tête.
Les derniers sursauts d’orgueil de ses adversaires l’auront mis en difficulté sur la 17e journée, mais une fois encore, cest avec un calme incomparable que le maillot rouge a sauvé sa position, malgré le vent et l’allure effrénée. Les dernières attaques de ses rivaux auront eu pour seul effet de creuser les écarts, sans pour autant reverser la tendance. L’accélération douteuse de la Movistar à deux jours de l’arrivée pourrait à elle seule résumer cette fin de course, reflétant toute la frustration de ses adversaires incapable de faire trembler le natif de Lubljana malgré une 4e chute.
Finalement, c’est bien de Slovénie qu’est venue la surprise, mais plutôt du côté de Tadej, seulement âgé de 20 ans, qui s’est lancé le dernier jour dans une fugue digne des plus grands, complétant le bilan idéal de son pays sur ce dernier Grand Tour de l’année.
Primoz est resté fidèle à lui-même après sa victoire, calme, discret, et déjà concentré sur la suite, le regard tourné vers la France et sa tunique jaune qu’il rêve d’endosser