Après une première « semaine » très intense, l’heure est venue de dresser un premier tableau des forces en présence et des coureurs et formations à suivre pour la suite du Tour dans la lutte pour le maillot jaune.
Primoz Roglic, le grand patron
Il ne fait aucun doute après ces 9 premières étapes que le leader des jaunes et noirs de la Jumbo Visma est en excellente condition. Jamais mis en difficulté, que ce soit à Orcieres Merlette où il s’est imposé, mais aussi dans Peyresourde ou ce dimanche dans la Col de Marie Blanque, c’est surtout la maîtrise et le contrôle qui ont marqué les esprits du côté du slovène. Retardant au maximum la prise du maillot jaune afin d’éviter des protocoles usants après chaque étape, c’est désormais un leader très solide qui mène la danse, épaulé par une équipe exceptionnelle, avec surtout un Wout Van Aert éblouissant sur tous les terrains. L’autre grande information chez Jumbo Visma, bien sûr, c’est sans aucun doute le sacrifice de Tom Dumoulin pour son coéquipier, devenu son leader par la force des choses. Sans doute trop court, le néerlandais a fait le choix du jeu collectif pour assurer la victoire de son équipe, un choix très humble de sa part. En clair, la hiérarchie est désormais bien établie et l’équipe semble parfaitement capable de supporter le poids de la course, chose qu’elle a finalement déjà commencé à faire avant même la prise du maillot jaune. Mais l’attitude prudente du champion de Slovénie pourrait également lui jouer des tours, si la forme venait à lui manquer dans les derniers jours, qui ne manquerait pas de lui faire regretter son manque d’agressivité en première semaine.
Tadej Pogacar, le néophyte sans complexe
C’est un autre slovène qui s’est illustré sur les étapes clés de ce début de Tour. Tadej Pogacar découvre la Grande Boucle, mais n’a pas froid aux yeux. Deuxième à Orcieres Merlette après une superbe remontée dans le dernier kilomètre, avant de passer à l’offensive dans le Col de Peyresourde, et de récidiver le lendemain en déclenchant les hostilités dans le Col de Marie Blanque, avec une victoire d’étape à la clé. Une entame de Tour quasi parfaite, avec pour seul bémol sa grosse perte de temps sur l’étape de bordures, qui finalement lui a peut-être donné plus de libertés pour exprimer son tempérament offensif. Un tempérament et une forme étincelante qui semblent en faire le rival numéro 1 de Primoz Roglic, malgré son retard au classement (7e à 44 secondes). Un des hommes clés du scénario de ce Tour à n’en pas douter…
Guillaume Martin et Romain Bardet, les français à l’aise à domicile
On attendait Julian Alaphilippe et Thibaut Pinot, ce sont finalement Romain Bardet et Guillaume Martin qu’il faudra suivre sur cette Grande Boucle. Les deux hommes ne cessent de surprendre sur les parcours montagneux, avec un passage à Orcieres Merlette très réussi pour Guillaume Martin, 3e de l’étape. Une sensation qui s’est rapidement confirmé sur les pentes de Peyresourde, où Guillaume Martin semblait avoir des fourmis dans les jambes, alors que Romain Bardet, marqué par sa chute, est tout de même parvenu à tenir le rythme pour finalement reprendre quelques secondes au maillot jaune Adam Yates. Les choses se sont corsées dimanche, avec le démarrage stratosphérique des slovènes, accompagnés par Mikel Landa et Egan Bernal, qui a mis en difficulté les deux hommes, sans pour autant s’écrouler. Une gestion qui leur permet de se placer aux 3e et 4e places du classement général après les Pyrénées, à une trentaine de secondes du maillot jaune. Une forme ascendante pourrait bien permettre à l’un ou l’autre de tirer son épingle du jeu sur la traversée alpestre.
Les colombiens dans le coup, Bernal avance sous le radar
La Colombie sera l’une des trois nations majeures à suivre sur ce Tour, à n’en pas douter. Si les slovènes et, dans une moindre mesure, les français, semblent parfaitement dans le coup, la Colombie complète le tableau et joue en surnombre. Egan Bernal, en chef de file, tient finalement le cap chez Ineos, alors que l’inquiétude régnait après son Dauphiné achevé avant son terme. Grimaçant et tête baissée à Orcieres Merlette et dans Peyresourde, il n’a finalement pas perdu de temps, alors que c’est un Bernal métamorphosé qui s’est dressé sur les pédales dans Marie Blanque aux côtés des meilleurs. Maillot blanc sur le dos, on le reverra sans doute par la suite, bien que son équipe ne soit pas aussi tranchante que dans le passé. Face à lui, ses compatriotes Rigoberto Uran et Nairo Quintana font figure de belles surprises. La chute de Nairo avait soulevé quelques inquiétudes avant le départ, et les références de Rigoberto depuis la reprises ne laissaient pas forcément présager un tel état de forme. Le leader de l’équipe Arkea est parvenu à accompagner les meilleurs samedi dans le Col de Peyresourde, restant plus en retrait dans le Col de Marie Blanque. Pour le leader de la formation EF, la discrétion est un atout qu’il sait utiliser à son avantage, évoluant à son rythme mais tout proche des meilleurs. Trois colombiens donc aux avant-postes, un beau tir groupé qui ne demande qu’à être concrétisé.
Landa, Yates, Lopez, Porte… Outsiders ?
Le talent de Mikel Landa n’est plus à démontrer. Excellent dès que la route s’élève, il s’est à nouveau montré à son avantage sur cette première semaine, malgré sa perte de temps sur les bordures. Seul coureur capable d’accompagner le trio Bernal / Roglic / Pogacar ce dimanche, il ne fait aucun doute que l’espagnol est au rendez-vous, avec une position qui peut s’avérer avantageuse au classement général (10e à 1’42 »). Du côté de Miguel Angel López, c’est un avis plus mitigé que l’on peut émettre, car on ne s’attendait pas forcément à le voir en difficulté dans le Col de Marie Blanque. Un début de Tour correct mais pas forcément impressionnant, difficile de l’imaginer jouer les premiers rôles, à moins d’une belle montée en forme au fil des jours. Adam Yates, quand à lui, a été « contraint » de jouer le jeu du général après la pénalité infligée à Julian Alaphilippe, qui lui a permis d’endosser le maillot jaune. Assez à l’aise les premiers jours, sa perte de temps hier semble marquer un coup d’arrêt pour le britannique, qui rappelons-le, avait annoncé sa volonté de jouer les étapes. Enfin, Richie Porte, quelque peu dépassé ces dernières années, a montré un excellent niveau hier, seul coureur capable de revenir sur les hommes de tête dans l’ultime ascension, avant de se faire reprendre par les poursuivants. Un homme à suivre avec attention, surtout quand on connaît ses qualités au contre la montre…
Une hiérarchie déjà claire ? Difficile à dire…
Comment résumer ce premier point intermédiaire ? C’est finalement simple, la grande bagarre n’a pas encore véritablement débuté. Chacun semble vouloir cacher son jeu, laisser la responsabilité à un autre, malgré un premier test dimanche. Primoz Roglic, Egan Bernal et Tadej Pogacar semblent les plus à l’aise pour le moment, mais Mikel Landa, Guillaume Martin, Romain Bardet et Nairo Quintana ne peuvent pas être écartés sur une course qui semble plutôt ouverte pour le moment. Rigoberto Uran, Miguel Angel López et Richie Porte semblent encore en mesure de jouer les trouble-fête, tout comme Adam Yates, mais pourraient vite disparaître des radars lorsque les hostilités seront lancés.
Les grands perdants
La liste des perdants est finalement assez courte. 9 étapes difficile qui auront fait des dégâts, avec surtout cette première journée terrible qui aura été marquée par de nombreuse chute. Premier coureur mis hors-jeu dans la course pour le général, Emanuel Buchmann avait annoncé avant le Tour qu’il ne se présentait pas au départ dans les meilleures conditions après sa chute sur le Dauphiné. Pas de surprise donc pour l’allemand, ni finalement pour Thibaut Pinot, tombé le premier jour dans le final et marqué au dos depuis, forcé de laisser filer les meilleurs dès samedi. Enric Mas, mais aussi Tom Dumoulin et Richard Carapaz ont quant à eux été forcés de se retirer de la lutte par la force des choses, avec un niveau de forme ne leur permettant pas de nourrir de grandes ambitions. Une première sélection qui aura également écarté Pavel Sivakov, pas vraiment un leader mais qui aurait pu au vu de sa condition, permettre à l’équipe Ineos de brouiller les pistes. Julian Alaphilippe, grand animateur du Tour 2019, a lui aussi fait le choix de privilégier les étapes, sans doute pour se préserver en vue des mondiaux.