Raymond Poulidor était de ceux qu’ont ne pouvait qu’apprécier. Toujours sincère, humble, avec une simplicité qui a fait sa réputation. Poulidor, c’était le visage de la France des années 1960. Un paysan de la Creuse devenu champion du Tour de France, une histoire qui inspirait des générations entières. La légende de « Poupou » s’est écrite au fil de ses duels d’anthologie face à Jacques Anquetil, l’autre grande figure du cyclisme tricolore de l’époque. Jacques, le « diabolique », quintuple vainqueur du Tour de France, et Raymond, « l’innocent », éternel second. Les deux hommes ont divisé la France au gré de leurs exploits, alors qu’un peuple tout entier vouait une admiration sans limite à ces immenses champions. L’Italie avait eu son grand duel au temps de Fausto Coppi et Gino Bartali, la France aurait Anquetil et Poulidor.
1960, Poulidor entre dans la danse
Poulidor était devenu professionnel en 1960 au sein de l’équipe Mercier. Dès ses débuts, le grand public s’enthousiasme pour ce jeune homme, qui remporte rapidement quelques beaux succès. Dès 1961, le français s’illustre sur la Primavera, Milan San Remo, en s’imposant au terme d’une course bien mal engagée, devant le champion du monde Rik Van Looy. Une victoire de prestige, qui verra les premiers soubresauts de cet élan populaire qui allait marquer sa carrière. La France se découvre un nouveau champion, une nouvelle idole, et se reconnaît dans ce garçon attachant tout aussi émerveillé que son public
1962, premier Tour de France
Lorsque Raymond Poulidor prend le départ de sa première Grande Boucle, c’est avec un bras dans le plâtre. Incapable de se défendre sur les premières étapes, il concède plusieurs minutes, et voit ses espoirs de victoire s’amenuiser très rapidement. Mais une légende ne s’écrit pas sans quelques exploits, et c’est sur la 19e étape que le public va découvrir le caractère du jeûne Raymond, qui se lance dans une échappée héroïque, parti à la conquête de ses premiers lauriers sur les routes du Tours de France. Il s’impose en solitaire, loin devant Anquetil, Bahamontes et consorts, et vient prendre la 3e place du Tour, un premier exploit qui fera de lui l’un des coureurs les plus appréciés su peloton par son public, tout heureux d’avoir trouvé un rival à un Jacques Anquetil dominateur.
Poulidor, chouchou des français
Lors des années suivantes, Raymond Poulidor ne cesse d’impressionner, remportant des succès de prestige, à l’image de la Flèche Wallonne en 1963. Le public attend avec une impatience non dissimulée sa revanche sur le Tour, et les « poulidoristes » espèrent voire tomber le grand Jacques Anquetil au profit de leur poulain. Mais au fil des ans, malgré de nombreuses places d’honneur, victoires d’étapes et autres chevauchées mémorables, le français ne parvient pas à décrocher le graal. En 1964, après avoir remporté le Tour d’Espagne au mois de mai, Poulidor se présente sur le Tour avec un statut particulier. Il jouera les premiers rôles de cette Grande Boucle jusqu’au bout, mais c’est bien la 20e étape qui lui donnera une nouvelle dimension, lorsqu’il parvient à faire céder son rival dans l’ascension finale. Mais Anquetil conservera son maillot jaune pour 14 secondes, exacerbant une nouvelle fois la rivalité entre les deux camps, alors que Poulidor le malheureux avait conquis le cœur des francais.
Une carrière exceptionnelle
Si Poulidor est connu comme l’éternel second, il ne faut pas oublier ses (très) nombreux succès, car il terminera sa carrière, à 41 ans, avec plus de 180 victoires au compteur. Milan San Remo, la Flèche Wallone, mais aussi le Critérium du Dauphiné ou Paris Nice, « Poupou » avait acquis un palmarès qui ferait bien des envieux encore aujourd’hui. L’essentiel de sa renommée résidait sans aucun doute dans ses défaites face à Anquetil, mais aussi Eddy Merckx, mais son statut de champion n’aura en aucun cas été usurpé. D’autant plus que ses deuxième places, il les devait parfois à son manque d’ambition, comme il le disait lui-même : « C’est peut-être une chose dure à dire, mais je n’étais pas un homme très ambitieux. Je sortais d’un milieu peu aisé et du jour au lendemain, j’ai eu tout. J’étais bien soigné, bien massé, le soir je ne m’occupais pas de mon vélo. Et je le dis souvent, cette popularité ne m’a pas rendu service ».
Un champion proche de son public
Si, encore aujourd’hui, tant de personnes appréciaient Raymond Poulidor, c’est aussi parce que c’était un homme simple, qui ne se comportait pas comme les autres champions, et qui faisait preuve d’une humilité à toute épreuve. N’importe qui pouvait venir échanger avec lui au détour d’une course de clocher ou d’une étape du Tour de France, et le nombre exceptionnel de témoignages de coureurs ayant pu échanger avec lui en atteste. Sa renommée s’étendait bien au-delà de son époque, comme le disait Romain Bardet à l’annonce de son décès : « Raymond Poulidor, c’était un trait d’union générationnel qui représente ce qu’est le vélo, un sport populaire et accessible. C’est un personnage vraiment emblématique, adoré du public. Il faisait le lien avec le cyclisme ancré dans les territoires. Je me souviens de lui sur le Tour mais aussi dans des courses de clochers, à côté des organisateurs »
« Poupou », éternelle inspiration
L’annonce de son décès aura secoué l’ensemble du milieu cycliste. Coureurs, directeurs sportifs, organisateurs ou spectateurs ont tous été touchés par le départ de ce grand monsieur du sport tricolore, dont la renommée allait bien au-delà du cyclisme. Les hommages de personnalités de tous bords, à l’image d’Emmanuel Macron ou Didier Deschamps, témoignent de la dimension hors-norme de ce champion, qui a su, chose rarissime, faire l’unanimité dans un pays bien souvent partagé et prompt à la critique. Une aura qui continuera d’inspirer des générations de cyclistes, pour qui la mémoire de Poupou restera un pilier du cyclisme français. Son petit-fils, Mathieu Van Der Poel, triple champion du monde de cyclocross, se disait très ému par la perte de son grand-père, qui était « son plus grand fan » et suivait de très près ses résultats. Après avoir remporté une manche de coupe du monde ce samedi, le coureur néerlandais a dédié sa victoire à celui qui restera à jamais une exemple et qui incarnera à lui seul les valeurs du sport, le courage, le respect, l’humilité et le partage