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Les vélos de contre-la-montre, un équipement à bannir ?

by François-Xavier Roux

Les vélos de contre-la-montre, un point commun entre Chris Froome (Israël Premier – Tech) Egan Bernal (Ineos Grenadiers) et Alexey Lutsenko (Astana Qazaqstan).  Ces trois coureurs ont chuté à l’entrainement sur ces vélos extrêmement performants, alimentant ainsi le débat sur une éventuelle interdiction de ces vélos, jugés beaucoup trop dangereux par certains.

Un vélo de contre-la-montre c’est quoi ?

De véritables bijoux techniques, ce sont les vélos les plus performants qu’ils soient. L’aérodynamisme prime sur le confort, tout est conçu pour qu’aucun effort du cycliste ne soit perdu durant son utilisation. La vitesse élevée à laquelle se déplace le vélo de chrono a donc influencé la conception du vélo. Les recherches ont établi la position du cycliste la plus aérodynamique possible, afin de surmonter au mieux la friction de l’air, qui est le plus grand obstacle à grande vitesse. Le guidon du vélo est conçu pour pédaler fort sur le plat et est plutôt inconfortable à utiliser en montée. Grande différence avec celui de course qui permet au cycliste d’adopter de multiples positions en fonction de la situation,

Dû à sa position sur le vélo, la vision du coureur au loin en est aussi réduite. Selon certaines analyses, il ne voit pas à plus de 10 m. Les normes UCI (Union Cycliste Internationale) sont strictes et ne permettent aucunes largesses dans le cas des vélos de contre-la-montre. Tout y est scrupuleusement réglementé. L’UCI affirme la primauté de l’homme sur la machine, mais ce n’est pas pour autant que le risque 0 n’existe pas. Les vélos de chronos restent tout de même très peu maniable comparé aux autres types de vélos existants.  

Un vélo jugé responsable dans de nombreuses chutes

Dans les dernières années, de grands noms du cyclisme professionnel ont chuté au cours d’entrainements, entrainant des blessures assez importantes. Le 12 juin 2019, l’Anglais Christopher Froome, alors chez Ineos, percute un mur en bas d’une descente lors de la reconnaissance de l’épreuve du contre-la-montre du Critérium du Dauphiné. Victime de plusieurs fractures aux côtes, au coude et au fémur, son opération dure plus de six heures. Par chance, dans ce choc à plus de 60km/h, Chris Froome en ressort sans chocs cérébraux. Froome a mis plus d’un an à pouvoir remonter sur un vélo, mais a perdu à jamais ses capacités phénoménales.

Le 24 janvier 2022, le Colombien Egan Bernal (Ineos Grenadier) chute lui aussi à l’entrainement, sur son vélo de chrono. Après avoir percuté un bus par l’arrière, le Colombien souffre de multiples fractures l’éloignant un certain temps des courses. Il a pu remonter sur son vélo cette semaine, mais aucune date n’a été communiquée pour son retour en compétition. Le 30 mars 2022, c’est le Kazakh Aleksey Lutsenko qui se casse la clavicule sur ce même type de vélo. Ces trois lourdes chutes lancent un débat qui se fait de plus en plus entendre en faveur d’une interdiction des vélos de contre-la-montre.  

Le vélo de contre-la-montre, l’ennemi de Chris Froome

Christopher Froome en plein contre-la-montre sur le Critérium du Dauphiné 2013
© Imago

Depuis la chute d’Egan Bernal, Chris Froome est devenu l’un des plus fervent opposant aux vélos de contre-la-montre. Dans une vidéo réalisée pour sa chaine YouTube le 12 février 2022, le Britannique précise sa position : il apprécie beaucoup l’effort du contre-la-montre mais trouve les vélos extrêmement dangereux à cause du manque de maniabilité. Il pointe notamment du doigt le manque d’environnement favorable à la pratique du cyclisme sur ces vélos : « Combien de routes connaissez-vous près de chez vous, où vous pouvez rouler une heure dans des conditions adaptées ? Compte tenu des dangers, ne serait-il pas beaucoup plus simple de faire des contre-la-montre sur des vélos de route ? ».

Pour éviter le besoin de s’entrainer sur les vélos de chrono, la solution de Chris Froome est donc de faire des contres-la-montre en utilisant des vélos de route en compétitions. Cela permettrait de sécuriser les entraînements en amont, mais aussi de mettre en avant d’abord les compétences du coureur, relayant les avantages de la technologie au second plan. Peu de déclarations de professionnels du cyclisme rejoignent le Britannique, mais il y a notamment Marc Madiot (manager de la Groupama – FDJ), qui soutient la position de Froome : « Je rejoins Chris Froome qui s’était prononcé contre les vélos de chronos. On met beaucoup d’argent là-dedans, notamment à l’entraînement, alors que ça peut être dangereux, et on continue quand même… »

Une position très critiquée dans le peloton

Le Belge Victor Campenaerts lors de son record du contre-la-montre : 55,089 km en 1 heure
© AFP

Mais la majorité des cyclistes qui se sont exprimés sur les vélos de contre-la-montre en prennent la défense. Victor Campenaerts, le détenteur du record du monde du contre-la-montre, a ainsi contesté l’opinion du quadruple champion du Tour. Pour lui, « le contre-la-montre reste une très belle discipline car elle apporte beaucoup d’innovations ». Il pense même que le cyclisme doit son évolution aux vélos de contre-la-montre : « Oui, sur nos routes, leur utilisation est dangereuse, absolument, reconnait-il. Mais si vous faites un entraînement de sprint sur la route, c’est aussi dangereux ». Sa défense consiste à dire que l’entrainement au contre-la-montre n’est pas plus dangereux qu’une autre spécialité du cyclisme. Philippe Gilbert (Lotto Soudal) rejoint sur toute la ligne la position de son compatriote belge. Il explique que le cyclisme est un sport dangereux sur route ouverte (avec des voitures) et que le vélo de contre-la-montre n’est pas plus dangereux que d’autres.

La Jumbo Visma, une promotion de la sécurité autour des vélos de contre-la-montre

Le Slovène Primoz Roglic, et son équipe plus globalement, sont en désaccord avec la proposition de Christopher Froome mais ne rejoignent pas pour autant les avis de Victor Campenaerts ou Philippe Gilbert. Conscient de la source de danger que représente l’entrainement sur ces vélos de contre-la-montre, le staff de l’équipe organise désormais des sorties étroitement encadrées lorsque ces vélos sont utilisés. Pour prévenir des accidents, ils disposent ainsi une voiture en tête des coureurs et une autre pour fermer la marche. Ils peuvent ainsi anticiper tous les problèmes de circulations.

De plus, ils organisent ces sorties d’entrainements sur des routes peu empruntés pour minimiser ces derniers. Mathieu Heijboer, le directeur de la performance de l’équipe néerlandaise, affirme que la responsabilité, en cas d’accident, ne doit pas être imputée au matériel, mais plutôt aux coureurs dans le choix de leurs conditions d’entraînement. Il veut donc que ce soit aux coureurs d’adapter leurs entrainements à l’environnement et non pas que le matériel soit jugé responsable dans les accidents.

L’équipe Jumbo Visma lors du contre-la-montre par équipe du Tour de France 2019
© S. Mantey

Ce débat autour des vélos de contre-la-montre n’est qu’à ses débuts, et on risque d’en entendre parler régulièrement. Christopher Froome est encore plutôt isolé pour l’instant mais avec le temps il est probable que d’autres cyclistes le rejoignent. L’UCI ne s’est pas prononcé sur ce sujet, mais ce qui est sûr c’est que à une époque où la réglementation se fait toujours plus sévère, les vélos de contre-la-montre restent un matériel particulièrement sensible et surveillé. Pour terminer, on ne peut que rejoindre l’avis de la Jumbo – Visma en rappelant que la sécurité sur un vélo est primordiale, que l’on soit simple amateur de la petite reine ou cycliste professionnel. Soyez vigilants sur la route !

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