Il y a des sports où seuls les sportifs font le spectacle. Ce n’est pas le cas du cyclisme. Bien qu’ils y contribuent majoritairement, la météo ou le public peuvent changer l’empreinte laissée par une course dans l’histoire du cyclisme. Les plus anciens se souviennent du coup de poing qu’un spectateur a assené à Eddy Merckx au sommet du Puy de Dôme ou encore de la chute de Yves Lampaert sur Paris-Roubaix 2022. Ici, des exemples où les spectateurs n’ont pas respecté les valeurs sportives. Tout le contraire de ce qu’il s’est passé le 22 juillet 2023…
Tout commence le 12 janvier 2023. Thibaut Pinot, que beaucoup appellent “l’idole”, annonce qu’il prendra sa retraite au terme de la saison. Ses supporters, touchés par cette annonce, se mettent immédiatement d’accord pour rendre hommage à la personne qui leur a fait aimer le cyclisme. Des groupes Discord se créent alors pour lui dire le dernier aurevoir au Tour de Lombardie. Bref, l’engouement est énorme pour encourager l’enfant de Mélisey lors de sa dernière saison au sein du peloton.
Tout juste sorti d’un très bon Tour d’Italie, Thibaut Pinot n’est pas assuré de participer au Tour de France. S’il y participe, l’occasion serait magnifique pour rendre hommage à celui qui a failli remporter la Grande Boucle en 2019. D’autant plus que le Tour passe dans les cols empruntés lors de ses entraînements. Bien que l’annonce ne soit pas officielle, la Fédération Française de la Lose et Parions Sport organiseront le “Virage Pinot”.
Pourquoi un virage pour célébrer un coureur cycliste ? Thibaut étant à l’aise dans les cols, rien de mieux que de lui rendre hommage sur son terrain de prédilection. De plus, étant fervent supporter du Paris Saint-Germain et abonné au Virage Auteuil, se positionner dans un virage prend sens. C’est décidé, les supporters se réuniront le 22 juillet 2023 dans le Col du Petit Ballon.
Le jour arrivé, les supporters s’amassent derrière les cordellettes prévues pour éviter les envahissements de fans sur la route. Tels pour les clubs de foot, des cortèges s’organisent. Peu importe le nombre de fois où les personnes se sont rendues sur le bord des routes du Tour, tout le monde supporte “l’idole”. Jamais cela n’a été vu auparavant dans le milieu de la Petite Reine. D’habitude, les fans de cyclisme ne supportent pas un coureur mais tous. Ce jour-là, c’est différent. Tous derrière Pinot !
Bien que l’ambiance soit festive, l’attente du passage des coureurs se fait longue. Sans réseau internet disponible, les supporters ne connaissent que peu de choses sur la situation de course au moment où ils entendent l’hélicoptère le filmant et où les coureurs arrivent. La seule information connue : Thibaut Pinot fait partie d’un groupe de tête composé de 4 coureurs.
Les fans retiennent leur souffle quand ils voient arriver un coureur tout vêtu de bleu arrivé tout seul. C’est “l’idole” ! C’est bien lui qui, le jour où tout le monde attend, fait chavirer la foule. Quoi de mieux pour les fans qu’un tel événement ? Au fur et à mesure que Thibaut Pinot avance, les supporters l’encouragent du plus profond d’eux-mêmes et donnent tout pour espérer voir triompher leur coureur préféré à l’arrivée. Les chaînes de télévision françaises laissent les images parler. Au-delà du silence laissé par le micro coupé des commentateurs, on attend le soutien de la famille du vélo français et on y voit un coureur avançant dans un col tel un empereur romain rentrant victorieux d’une bataille.
Une fois Thibaut Pinot passé, c’est comme si une page s’était tournée. Bien que le reste des coureurs reste à passer, les encouragements n’avaient pas la même saveur.
Ce moment symbolique de la communion entre les supporters et les coureurs, si particulier au cyclisme, a marqué l’histoire du sport. Pour l’anecdote, le lieu est dorénavant nommé sur Google Maps comme un lieu de culte.